Musique en ligne : vers une autorité de régulation et une chronologie des médias ?

Président de la commission musique du Geste depuis 2000 et coorganisateur
des Rencontres Radio 2.0 qui se sont tenues à l’INA le 18 octobre, Xavier Filliol a demandé – devant la mission Lescure le 16 octobre – des mesures en faveur des plates-formes de musique en ligne face aux producteurs.

Les plates-formes de musiques en ligne se sont fait entendre auprès de la mission Lescure, grâce à Xavier Filliol (photo), président de la commission musique du Groupement des éditeurs de contenus et services en ligne (Geste) et par ailleurs trésorier du Syndicat des éditeurs de musique de services en ligne (ESML).

Une autorité pour régler les différends
« Il serait important d’avoir des instruments de confiance pour nous permettre d’avancer et pour faire l’arbitrage [en cas de différend] sur les tarifs [entre les plates-formes de musique en ligne et les détenteurs de catalogue de titres musicaux]. Cet instrument nous manque vis-à-vis non seulement des ayants droits mais aussi des acteurs étrangers », a plaidé Xavier Filliol devant Pierre Lescure (1), lors de l’audition du Geste.
« Comme on nous dit que c’est un marché émergent, rien n’est fait. Je pense que
c’est faux. (…) C’est un vrai chantier car il faut définir un marché concurrentiel avec
les autorités de la concurrence », a-t-il insisté. Et d’ajouter : « Est-ce que le CSPLA
(2) pourrait s’en charger ? ». Un des membres de la mission Lescure, se demandant
si c’était vraiment le rôle du CSPLA, lui a demandé à qui devrait incomber ce rôle de régulateur de musique en ligne : « Une autorité de la concurrence ? Une Hadopi revisitée ? ». Réponse de Xavier Filliol : « Je serais plus tenté par la DGCCRF (3)…, laquelle, d’ailleurs, a été par le passé extrêmement sensible au fait qu’en 2003 les producteurs [de musiques enregistrées] ne voulaient pas licencier leurs catalogues. Une enquête interne fut alors lancée, de façon discrète. Personne n’est au courant
de cette affaire ; je me permets de la révéler aujourd’hui. La DGCCRF, qui siégeait
au CSPLA fut atterrée par ce refus de vente, elle a été remarquable. Ce qui a permis
de déverrouiller les choses ». En effet, un rapport de février 2004 – commandé par Jean-Ludovic Silicani, le président du CSPLA de l’époque, à deux universitaires, Sirinelli et Vogel – a bien constaté les « tensions » entre producteurs et distributeurs-diffuseurs (4).
Xavier Filliol a en outre fustigé que 80 % à 90 % des recettes des ventes en ligne tombent dans l’escarcelle des producteurs de musique, alors que ceux-ci n’assument pas sur Internet la distribution, la revente et la diffusion. « Nous sommes dans une relation directe producteurs de musiques-plates-formes en ligne, sans étapes intermédiaires, l’éditeur du service en ligne assurant la revente-distribution moyennant seulement 10 % à 20 % des recettes. Cela n’est pas juste et ne lui permet pas d’investir ni de vivre », a-t-il expliqué.
Et de rappeler qu’une dizaine de éditeurs de services en ligne musicaux ont disparu
en cinq ans (Jiwa, AlloMusic, …), lorsqu’ils ne sont pas sous procédure de sauvegarde comme MusicMe. Même Deezer, qui cache la forêt aujourd’hui, a failli disparaître à ses débuts et plus récemment a frôlé l’échec dans sa renégociation avec Orange sur l’offre d’abonnement au streaming… « Pendant ce temps-là, la part de marché d’Apple avec iTunes est passée en cinq ans de 40 % à 80 % ! », a-t-il souligné.
Autre inquiétude l’arrivée à échéance au 31 décembre de la charte des 13 engagements « Hoog » pris par les producteurs (majors en tête) vis-à-vis des éditeurs de musique en ligne pour assouplir les négociations d’avances et de minima garantis jusqu’alors jugés « exorbitants » (lire EM@25, p. 7). « Cette charte nous protège mais après ? Les ayants droits nous menacent déjà en disant que le temps est compté », dénonce Xavier Filliol. Il y a urgence. « Il faut élargir la charte des 13 engagements au publishing [les gestionnaires de catalogues et des redevances, ndlr] et aux auteurs. Comme la Sacem a perdu la gestion des quatre catalogues internationaux [des majors Universal Music, EMI, Sony Music et Warner Music, ndlr], on ne peut plus faire d’offres légales sans avoir à négocier avec des guichets à l’étranger (5) avec des redevances doubles », explique-t-il, en indiquant que l’ESML (6) a déjà rédigé des projets d’articles du Code de la propriété intellectuelle afin d’« aller au-delà de la charte ».

Des fonds de catalogues à moindre coût
Last but not least : l’idée avancée par Pierre Lescure sur Le Mouv’ le 31 août dernier de
« back catalogue à moindre coût » que Xavier Filliol estime comme « une vraie bonne
idée » mais « est-ce que l’on doit pour autant imposer une chronologie des médias dans la musique ? », s’interroge-t-il avant de répondre : « Pas sûr que nous en ayons très envie… Mais pourquoi pas une charte élargie qui dirait qu’au-delà de tant de temps [sur le modèle des fenêtres de diffusion du cinéma, ndlr], on pourrait diffuser un catalogue ». @

Charles de Laubier

Augmented Journalism

« Eh ! Viens voir ce numéro du Monde ! Et celui-ci du Financial Times ! ». Cette amie, qui me tire par la manche pour me montrer journaux et magazines, n’est pas devant un kiosque d’un autre temps. Non, ce matin nous sommes allés chiner aux puces. Et ce sont des exemplaires d’une presse papier déjà un peu jaunis qu’elle me montre avec les yeux brillants du collectionneur averti. C’est presque en la portant que je la ramène chez moi, à moitié évanouie d’émotion à la vue d’une Remington portative bien fatiguée ! Ce sont des symboles d’une aventure extraordinaire, celle de journalistes du quotidien ou enquêteurs au long cours, qui nous informèrent ou nous firent rêver, à l’aide d’une feuille, d’un stylo
ou d’un simple clavier. Cette nostalgie de la presse d’antan ne dure qu’un instant car un nouvel âge d’or du journalisme se dessine. Si, durant cette longue transition numérique, les rédactions ont perdu des dizaines de milliers de journalistes, peu à peu ce journalisme « diminué » par la crise se transforme en un journalisme « augmenté ». Ce journaliste
d’un nouveau genre est, comme ses anciens, toujours sur le terrain. Un terrain lui aussi augmenté, tout à la fois monde physique et monde numérique. Pour en arriver là, il a bien fallu que les professionnels de l’info prennent en main ces nouveaux outils qui leur firent d’abord si peur. D’autant que Monsieur Tout-le-monde remettait en cause leur statut en blogant, en tweetant, en commentant en ligne l’actualité ou en envoyant aux rédactions des photos ou des vidéos prises dans l’instant.

« Cette nostalgie de la presse d’antan ne dure qu’un
instant car un nouvel âge d’or du journalisme se
dessine, à la fois physique et numérique »

Le premier direct sur smartphone diffusé en 2014, à la fois sur une chaîne de télévision
et sur un site de partage vidéo, est encore dans toutes les mémoires. C’est aujourd’hui banal, depuis que des rédactions pionnières, comme celle du New York Times, choisirent dès 2012, d’équiper leurs journalistes de smartphones et de tablettes. La BBC, elle, dota ses envoyés spéciaux d’une application leur permettant de transférer les vidéos, clichés et sons directement vers le système interne de la chaîne mais également en direct à l’antenne. Bel et bien sinistrée, cette profession a finalement réussi à sortir par le haut en puisant aux sources de ce qui est l’essence et la noblesse de ce métier : même bardés
de ces nouveaux outils, la mission ultime de nos journalistes reste bien de trier parmi des informations pléthoriques, d’authentifier, de hiérarchiser et d’analyser l’actualité. Et en plus de la banalisation d’un accès à une information libre et gratuite, il leur fallait également se positionner par rapport à ce nouvel avatar de la technologie qu’est le data journalism.
Des algorithmes transforment des données brutes en articles et alimentent en flux continus journaux et sites Internet, notamment dans les domaines du sport (à partir de statistiques) ou des affaires (à partir de bilans comptables). Des pionniers pouvaient, dès 2012, générer des articles dans différents tons, comme Automated Insights qui fournissait des clients aussi prestigieux que Forbes ou que Narrative Science produisant une avalanche d’articles sur 370.000 matchs de base-ball de ligues mineures.
Cernés par la banalisation d’un côté et l’automatisation de l’autre, nos journalistes n’ont dû leur salut qu’à l’avènement d’un nouveau type de rédactions capables de repenser de fond en comble la ligne éditoriale et la mise en rubriques de leurs articles, dans un contexte de diffusion résolument multimédia. Les rédactions travaillent désormais en trois dimensions, déclinant chaque info en fonction du support, de la rubrique et du moment de la journée. Les breaking news ne sont-elles pas d’abord attendues sur les smartphones ? Dans
cette presse, désormais plus numérique que papier, coexistent plus que jamais de grands groupes de médias et une myriade de nouveaux titres qui explorent les potentialités de
ce nouveau journalisme exigeant. Le papier n’a pas disparu mais il est réservé à des publications de niches, de haut de gamme ou encore de titres au lectorat vieillissant encore attaché au papier. Sans oublier les collectionneurs qui sont à l’affût de ce qui pourrait être le dernier numéro papier d’un grand quotidien du soir. @

Jean-Dominique Séval*
Prochaine chronique « 2020 » : L’exception culturelle française
* Directeur général adjoint de l’IDATE.
Programme du prochain DigiWorldSummit :
www.digiworldsummit.com

Affaires « TF1 contre YouTube et Dailymotion » : le droit des hébergeurs est encore sauve

Les deux décisions sur TF1 des 29 mai et 13 septembre derniers n’ont pas révolutionné le droit des hébergeurs, lesquels continuent de bénéficier d’une responsabilité limitée par rapport à celle des éditeurs de contenus, et maintiennent à distance le spectre d’une surveillance généralisée du Net.

Par Rémy Fekete, avocat associé, Gide Loyrette Nouel

Le régime de la responsabilité des plates-formes communautaires de vidéos en ligne semble fixé :
ces dernières sont de simples intermédiaires techniques
et relèvent, à ce titre, du régime de la responsabilité des hébergeurs institué par l’article 6-I-2 de loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) du 21 juin 2004.

 

Les obligations des hébergeurs
Ce régime juridique protecteur permet aux plates-formes de partage de vidéos en ligne
de ne pas être considérées comme responsables de la présence de contenus illicites
mis en ligne par les internautes sur leurs plates-formes. En revanche, elles sont tenues
de suspendre promptement la diffusion des contenus dont elles ont été valablement informées de l’illégalité.
A travers deux jugements récents – TF1 contre YouTube rendu le 29 mai 2012 et TF1 contre Dailymotion du 13 septembre 2012 –, le tribunal de grande instance (TGI) de Paris a été amené à préciser les modalités et l’étendue de la responsabilité des plates-formes de partage de vidéos en ligne. Dans ces deux affaires, TF1 et des filiales du groupe reprochaient à YouTube et Dailymotion la diffusion d’extraits de leurs émissions (matchs, journaux télévisés, films, etc.) sur leurs plates-formes. Si TF1 et ses filiales se sont vus déboutés de leur demande en réparation contre YouTube (d’ailleurs essentiellement en raison d’un choix de fondement inopérant (1)), leur action a en revanche été entendue à l’encontre de Dailymotion.
Après avoir conforté le statut d’hébergeur des deux plates-formes de partage vidéo, les juges du fond ont précisé les obligations tenant à ce statut. Selon la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), la qualification d’hébergeur – telle qu’elle résulte de l’article
14 de la directive n°2000/31/CE du 8 juin 2000 relative au commerce électronique (2) – ne doit pas être retenue si le prestataire du service Internet joue un rôle actif de nature à lui conférer une connaissance et un contrôle des contenus présents sur son site. L’appréciation de ce rôle est une question délicate, comme en témoigne la jurisprudence concernant le site eBay qualifié tour à tour d’éditeur et d’hébergeur au gré des décisions.
En l’espèce, TF1 tentait de contester la qualité d’hébergeur de YouTube et Dailymotion. Cet argument avait peu de chances de prospérer dès lors que, s’agissant des plates-formes de vidéos, la jurisprudence semble se stabiliser en faveur de la reconnaissance
du statut d’hébergeur. Ainsi, par trois arrêts du 17 février 2011, la première Chambre civile a approuvé un arrêt ayant retenu le statut d’hébergeur de Dailymotion, en se fondant sur son rôle neutre, passif et purement technique dans la gestion des vidéos, Dailymotion n’opérant pas de sélections des contenus en ligne. La position adoptée
un an plus tôt par la Cour de cassation dans le très critiqué arrêt Tiscali (3) a donc été abandonné : le fait de proposer aux annonceurs de mettre en place des espaces publicitaires payants et d’en assurer la gestion n’implique plus que les services fournis soient aussitôt exclus de la définition de l’activité d’hébergement au sens de la LCEN. De la même manière, le TGI de Paris retient dans son jugement du 29 mai 2012 que les profits que YouTube tire de la publicité n’impliquent pas que la plate-forme ait excédé les fonctions de l’hébergeur. Le juge relève, en effet, que « la LCEN n’a jamais interdit de gagner de l’argent en vendant des espaces publicitaires ».

Le moteur ne fait pas l’éditeur
La mise en place d’un moteur de recherche interne au site de la plate-forme de partage
de vidéos et suggérant des mots clés n’affecte pas non plus le rôle passif et neutre de
la plateforme de diffusion de vidéos et par conséquent sa qualification d’hébergeur.
Dans son jugement du 13 septembre 2012, le tribunal a jugé que la mise en place d’un
tel outil fait partie des fonctions d’un hébergeur, qui se doit « d’assurer l’accessibilité des contenus ».
Le fait qu’en l’espèce, ce moteur suggère luimême des mots clés comme « TF1 » a
été jugé sans incidence sur la qualité d’hébergeur, dès lors que ces suggestions sont
le produit d’un processus automatique établi en fonction de la fréquence d’apparition
des termes dans les requêtes des utilisateurs, et non la manifestation de la volonté de Dailymotion de tirer profit des contenus. La qualification d’hébergeur retenue, le tribunal
a ensuite précisé les obligations incombant à ce statut.

Qu’entend t-on pas « promptement » ?
L’article 6-I-2° de la LCEN oblige l’hébergeur qui a « eu connaissance du caractère illicite des informations stockées », notamment après une notification dans les formes requises, à retirer promptement l’accès au contenu en cause. La LCEN reste silencieuse sur la définition de « promptement ». S’il est clair que l’hébergeur est tenu à une obligation de diligence, le délai devrait néanmoins prendre en compte le temps de traitement de l’opération de retrait, compte-tenu des réalités humaines et techniques rencontrées par les hébergeurs. C’est la jurisprudence qui est venue préciser la définition du terme « promptement ». Dans l’affaire Amen, le TGI de Toulouse a retenu que sera qualifiée de prompte la cessation de la diffusion qui intervient le jour même de la notification.
A défaut, l’hébergeur du site litigieux ne pourra jouir de l’allégement de responsabilité prévu par l’article 6-I-2° de la LCEN.
Dans les jugements du 29 mai 2012 et du 13 septembre 2012, le tribunal a considéré
que YouTube et Dailymotion ont tardé à retirer les vidéos litigieuses. Notifiée du caractère illicite du contenu de certaines vidéos, YouTube a mis « au mieux 5 jours à supprimer les vidéos ». Quant à Dailymotion, il a été jugé qu’elle n’avait pas réagi suffisamment promptement dès lors que son site affichait encore le mardi 15 janvier, des contenus qui lui avaient été notifiés le vendredi 11 au matin. Par ailleurs, quelle force donner à l’obligation du retrait d’un contenu notifié comme illicite ? Plus précisément, l’hébergeur a-t-il la charge de repérer et le cas échéant de retirer tout contenu préalablement notifié, qui serait replacé sur le site à une nouvelle adresse ? Dans les affaires commentées, TF1 souhaitait imposer aux hébergeurs la mise en place d’une telle obligation de suppression systématique, pour le futur, de contenus notifiés comme illicites. Le TGI a rejeté cette demande au nom du principe, garanti tant par la directive Commerce électronique que par la LCEN, selon lequel il ne peut peser d’obligation générale de surveillance sur l’hébergeur. Par ailleurs, un arrêt rendu par
la CJUE le 24 novembre 2011 a écarté la possibilité d’imposer aux hébergeurs une mesure générale de filtrage sans limitation dans le temps. C’est à la lumière de ces principes que la Cour de cassation a jugé, dans un arrêt du 12 juillet 2012, qu’obliger
un hébergeur à prendre des mesures pour empêcher toute nouvelle mise en ligne d’un contenu contrefaisant, sans même qu’il en ait été avisé par une autre notification régulière, contreviendrait aux dispositions de la LCEN (4).
Mais, le jugement du 13 septembre 2012 impose des obligations nouvelles à Dailymotion. Ainsi, la plate-forme se voit reprocher par le tribunal, de ne pas avoir fermé les comptes d’utilisateurs que TF1 lui avaient signalés à plusieurs reprises comme étant à l’origine des contenus litigieux, alors que les conditions générales d’utilisation de son site lui permettaient de le faire.
Enfin, la plate-forme de partage de vidéo se voit ordonner, sous astreinte, de retirer de son moteur de recherche les suggestions contenant les mots clés désignant TF1 et LCI. Dès lors qu’il est patent que les suggestions que propose le moteur de recherche permettent d’accéder très facilement à des contenus mis en ligne en violation des droits de ces chaînes de télévision, la demande de suppression de telles suggestions, apparaît justifiée.

La diversification des hébergeurs
Ces décisions, si elles ne viennent pas révolutionner le droit des hébergeurs et indépendamment de savoir si TF1 fera ou pas appel (5), constituent ainsi une intéressante illustration des enjeux pratiques auxquels ces derniers peuvent être confrontés.
D’autant que leur métier se complexifie et se diversifie jusque dans l’édition de contenus, des ayants droits estimant que : « [YouTube ou Dailymotion] ont incontestablement une activité d’hébergeur. Ils ont incontestablement une activité d’éditeur » (6). @

Fil de cuivre : chronique d’une mise à mort… en 2025 ?

En fait. Le 23 octobre, le président de l’opérateur télécoms Nerim, Cyril de Metz, nous a indiqué que France Télécom lui a confirmé par écrit – le 10 octobre – que le VDSL2 ne sera lancé qu’au « troisième trimestre 2013 ». L’opérateur historique est-il juge et partie, ou est-ce le régulateur qui décide in fine ?

En clair. L’ADSL a beau être une success story à la française et le VDSL promis en théorie à un bel avenir, la paire de cuivre téléphonique – 95,2 % des accès haut débit –
est pourtant condamnée à mort. Son crime ? Le fil de cuivre ne ferait pas le poids face
à la fibre optique. Ses bourreaux ? Les pouvoirs publics et l’opérateur historique. « En décidant de tester la fermeture du réseau cuivre dans cette ville [Palaiseau] à partir de 2013, Orange porte pleinement cette nouvelle ambition (…) de passer à une phase et
à un nouveau rythme de déploiement de la fibre », a déclaré Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des PME, de l’Innovation et de l’Economie numérique, le 11 octobre dans cette ville de l’Essonne. Si le gouvernement – assumant « un certain dirigisme » (sic) en faveur de la fibre – n’a pas fixé de date butoir de basculement de l’ADSL (21,5 millions d’abonnés à ce jour) au FTTH (245.000 abonnés…), cela ne saurait tarder, comme ce fut le cas pour l’extinction au 30 novembre 2011 de la diffusion analogique des chaînes de télévision. C’est ce que préconise le sénateur Hervé Maurey. Débranchera-t-on le fil de cuivre en 2025 comme le prévoit implicitement la circulaire Fillon publiée au JORF du 17 août 2011 ? « Sans que cette révolution ne prenne
15 (…) ans », a déjà prévenu Fleur Pellerin. Du coup, le VDSL (1) attendra : le 13 septembre lorsque le président de l’Arcep, Jean-Ludovic Silicani déclare lors du colloque RuraliTIC : « L ‘Arcep a confié, depuis 2002, à un comité d’experts indépendants, présidé par une personne à la compétence et à l’impartialité reconnue [Catherine Mancini, directrice chez Alcatel-Lucent, premier équipementier de France Télécom, ndlr], le soin d’émettre des avis ».
Le 9 juillet, lors des 6e Assises du Très haut débit, le président de l’Arcep assurait à
EM@ que « ce comité d’experts pour les boucles locales cuivre et fibre optique rendra son avis favorable à l’automne ». Ce que nous confirmait Catherine Mancini (2). Or, coup de théâtre à la rentrée : « Ces travaux seront conclus début 2013. Cette étape franchie, et sous réserve que l’avis du comité soit positif, France Télécom disposera alors d’un délai de 6 mois pour autoriser l’utilisation de cette nouvelle technologie par les opérateurs dégroupeurs. Le rendez-vous est donc au début de l’automne 2013 »,
a annoncé Jean- Ludovic Silicani à RuraliTIC. La messe est dite. @

« Les OTT pourraient tuer les Telcos », prédit l’Idate

En fait. Le 17 octobre, l’Institut de l’audiovisuel et des télécommunications en Europe (Idate) a présenté une analyse de l’économie numérique en prévision du DigiWorld Summit qu’il organise à Montpellier les 14 et 15 novembre prochains
sur « le mobile, le cloud et le Big Data qui changent la donne ».

En clair. Pour François Barrault, le président de l’Idate, la chose est entendue : « Il y a d’un côté les OTT [Over-The-Top] qui en profitent et de l’autre les Telcos [opérateurs télécoms] qui souffrent ». Autrement dit, les OTT que sont Google, Apple, Facebook
ou autres Amazon seraient les seuls à tirer leur épingle du jeu dans un contexte de changements de paradigmes économiques induits par l’Internet. Tandis que les opérateurs télécoms –opérateurs historiques en tête – seraient les seuls à être à la
peine en raison de la chute de leurs recettes téléphoniques, d’une part, et des efforts d’investissements nécessaires à faire dans leurs infrastructures réseaux, d’autre part. Pire : « Le maillon faible [les OTT] pourrait tuer le maillon fort [les Telcos] », met en
garde François Barrault. Est-ce à dire que l’Idate, en tant qu’institut d’études, a décidé
de défendre les intérêts des opérateurs télécoms contre les ambitions des acteurs d’Internet ? Son président s’en défend : « Nous ne prenons pas parti. Nous disons
que la répartition de la valeur est très mal faite entre des sociétés comme Google, essentiellement américaines, et les opérateurs de réseaux qui font partie des faibles,
alors qu’il s’agit là d’une agrégation de noeuds interdépendants où tout est lié. Tout le système risque de se planter avec les OTT si l’on n’en prend pas conscience ». Le directeur général de l’Idate, Yves Gassot, s’inquiète quant à lui du revenu moyen par abonné (ARPU) « inférieur à 30 euros par mois » en Europe, lorsqu’il est de « 55 dollars, voire 60 dollars par mois » aux Etats-Unis. « Il faut que les opérateurs télécoms sortent
de la trappe que constitue le forfait [flat rates, triple play] et redonnent de la valeur à l’accès avec différents niveaux de services et de tarifs pour les abonnés », conseille-t-il. Autrement dit, selon Yves Gassot, « avec l’infrastructure IP, l’intelligence sort du réseau et remonte au niveau des OTT de type Google, Apple ou encore les réseaux sociaux » (1).
Or les opérateurs ne sont pas satisfaits des interconnexions avec leurs réseaux : « Il y a des passagers clandestins ! », dit-il. L’Idate prône donc des tarifs différenciés mais écarte l’idée de « terminaison data » (payée par les OTT aux opérateurs de réseaux) car, indique Yves Gassot à Edition Multimédi@, « elle ne rapporterait au mieux en France que 100 millions d’euros ». @