Le cinéma obtient le blocage d’un site de piratage de films

En Grande-Bretagne, BT est obligé de bloquer le site web Newzbin avec Cleanfeed, déjà utilisé pour les sites pédo-pornographiques. Les Etats-Unis, eux, veulent faire coopérer non seulement les FAI mais aussi moteurs de recherche, systèmes de paiement et réseaux publicitaires.

Par Winston Maxwell, avocat associé, Hogan Lovells

Le 26 octobre 2011 la Haute cour de Justice en Angleterre a ordonné à l’opérateur télécoms BT de bloquer l’accès au site web Newzbin2 (1). Cette décision fait suite à plusieurs autres antérieures rendues contre ce site de type Usenet qui facilite le partage de fichiers.
La première décision, rendue en mars 2010 (2), a constaté que
la partie premium du site Newzbin était destinée presque exclusivement à permettre le partage illicite de films protégés
par le droit d’auteur et l’a condamné.

Une version “light” du DPI
Un mois après, la société anglaise Newzbin Ltd. a déposé son bilan. Et un nouveau
site jumeau nommé Newzbin2 a vu le jour presque aussitôt, identique au premier,
mais hébergé cette fois-ci en Suède afin d’échapper au pouvoir des tribunaux anglais.
Le nouveau site visait néanmoins un public anglais, exigeant un paiement en livres.
Les studios de cinéma ont de nouveau attaqué en justice, demandant cette fois une ordonnance obligeant BT, le fournisseur d’accès à Internet, à bloquer l’accès au site Newzbin2.
Les producteurs de films ont mis en avant le fait que BT disposait déjà d’un système dénommé Cleanfeed pour bloquer l’accès à des sites pédo-pornographiques identifiés par l’Internet Watch Foundation (IWF), et qu’il serait facile et peu coûteux pour BT d’ajouter Newzbin à la liste des sites bloqués par son système. De plus, les studios ont souligné qu’il n’existait aucun doute quant au caractère illicite de Newzbin2, car l’illégalité de celui-ci a déjà été constatée par le tribunal. Malgré les protestations de BT, la Haute cour a donné raison aux studios de cinéma par une décision datée du 28 juillet 2011 (3). Mais la cour a demandé des informations supplémentaires pour fixer les détails de l’ordonnance. La décision finale de la cour a été rendue le 26 octobre
dernier : elle ordonne à BT d’utiliser son outil Cleanfeed pour bloquer l’accès au site Newzbin2, comme s’il s’agissait d’un site pédo-pornographique notifié par l’organisation IWF. La technologie déployée pour Cleanfeed comprend un volet DPI (Deep Packet Inspection), mais il s’agit d’une version light du DPI qui se contente de lire en détail l’adresse URL demandée et non le contenu des paquets. Cette technologie DPI
« légère » permet un blocage plus fin qu’un blocage par adresse IP, lequel aurait l’inconvénient de bloquer par erreur d’autres sites innocents qui partageraient la
même adresse IP que le site Newzbin. BT a objecté que la demande de blocage était contraire à l’avis de l’avocat général rendu dans l’affaire Scarlet contre Sabam (4).
Mais la cour a indiqué que contrairement à l’ordonnance rendue par le tribunal belge dans l’affaire « Scarlet », l’ordonnance rendue dans l’affaire Newzbin visait un site bien défini qui a déjà été jugé illégal par un tribunal.
En France, la Cour de Cassation a admis en 2008 une mesure similaire dans l’affaire
du site antisémite et révisionniste AAARGH (5). Le blocage d’un site web peut s’avérer justifié si le caractère illégal du site a déjà été décidé par un tribunal. De telles mesures
ont été appliquées en Italie (6), et plus récemment en Finlande (7) à l’égard du site The Pirate Bay.
Les débats dans l’affaire Newzbin soulignent le caractère imparfait des mesures
de blocage. Ces mesures sont contournables et donc partiellement inefficaces. Le régulateur britannique Ofcom a publié cet été un rapport (8) sur les techniques de blocage et leur efficacité relative : soit la mesure technique peut conduire au blocage inopiné de sites innocents, ce qui est particulièrement préjudiciable à la liberté d’expression, soit la mesure est facilement contournable et encouragerait la prolifération d’outils de contournement.

Un blocage inefficace ?
Paradoxalement, la technique qui réduit le risque de « sur-blocage » est le DPI.
Mais le DPI est également la technique qui soulève le plus de questions en matière
de protection des données personnelles. L’Ofcom conclut que le blocage n’est pas la panacée dans la lutte contre les activités illicites en ligne et préconise l’utilisation en parallèle d’autres mesures, comme le déréférencement des sites dans les moteurs de recherche, ou l’interdiction d’utiliser des moyens de paiement pour payer ces sites.
Ces conclusions de l’Ofcom ont été reprises par le ministre britannique de la Culture, Jeremy Hunt: il a déclaré le 14 septembre 2011 (9) que d’autres intermédiaires techniques, dont les moteurs de recherche et les établissements financiers, devaient également coopérer dans la lutte contre des sites illicites. Il a indiqué que de nouvelles dispositions seraient proposées dans le cadre d’une future loi sur les communications.

Etats-Unis : entre loi et volontariat
Des dispositions législatives de ce type sont déjà proposées aux Etats-Unis. Une
version de la proposition de loi – Protect IP Act – est débattue devant le Sénat (10)
et une proposition similaire – Stop Online Piracy Act – vient d’être déposée devant la Chambre des Représentants (11). Ces deux propositions sont controversées car elles permettraient au procureur fédéral de demander au tribunal des ordonnances pour
« geler » des outils techniques utilisés sur le territoire américain pour accéder à des
sites étrangers illicites (« rogue sites »). Les autorités américaines utilisent déjà leur pouvoir pour saisir certains noms de domaine dont le registre est situé aux Etats-Unis (par exemple, les « .com »). L’approche est de traiter un nom de domaine comme s’il s’agissait d’un objet physique, et d’appliquer des mesures de saisie comme si le nom
de domaine était un bateau impliqué dans un trafic de drogue.
Les nouvelles propositions de loi étendraient ce pouvoir à d’autres outils situés sur le territoire national : les serveurs DNS des FAI, les moteurs de recherche, les banques
et autres entreprises fournissant des moyens de paiement, ou encore les entreprises fournissant des services de publicité. Le procureur pourrait ainsi obtenir une ordonnance déclarant un certain site étranger illégal, et envoyer une notification aux différents intermédiaires techniques américains (banques, moteurs de recherche, FAI, réseaux de publicité) pour qu’ils gèlent tout lien avec ce site. La procédure serait entourée de précautions : premièrement, le procureur devra démontrer qu’il s’agit d’un site utilisant un nom de domaine émis par un registre situé en dehors des Etats-Unis, car sinon la méthode classique de saisie de nom de domaine pourrait être utilisé ; deuxièmement, il devra démontrer que le site vise spécifiquement le public américain, en exigeant par exemple le paiement en dollars lars ; troisièmement, le procureur devra démontrer qu’il a notifié le propriétaire du nom de domaine étranger, afin que celui-ci puisse se défendre dans la procédure ; quatrièmement, le procureur devra enfin démontrer que le site en question n’a aucune activité sérieuse autre que la fourniture
de biens ou services contrefaits.
Un site comme Newzbin serait couvert, car il n’a aucune activité légitime. En revanche,
un site de partage de vidéos tel que Dailymotion ne serait pas couvert, même si le site avait de temps à autre une vidéo contrefaisante. Si le procureur remplit ces exigences,
le tribunal ordonnera le gel de moyens techniques utilisés pour accéder à ce site (12).
Ces propositions législatives sont soutenues à la fois par des parlementaires démocrates et républicains au Congrès américain, mais elles restent vivement contestées notamment par les défenseurs de la neutralité du Net. L’administration Obama reste prudente à l’égard de ces propositions législatives, car elles peuvent sembler en contradiction avec la politique étrangère de l’administration en matière d’Internet ouvert. La Maison Blanche
est beaucoup plus enthousiaste (13) à l’égard de mesures volontaires mises en place
par les acteurs du secteur, tel que l’accord de juillet 2011 conclu entre FAI et ayants droits américains, et qui vise à créer une sorte d’Hadopi à l’américaine (14). Les intermédiaires techniques préfèrent eux aussi des solutions sur la base du volontariat. Face à la déclaration du ministre britannique Jeremy Hunt, Google a mis en avant le fait qu’il appliquait déjà des mesures de notification et de retrait (« notice and take down »)
à l’égard de contenus illicites, et que ces mesures s’appliquaient non seulement à la plateforme YouTube, mais aussi au moteur de recherche (15).

Déréférencer un site ou suspendre un domaine
C’est apparemment à la suite d’une notification « DMCA » de ce type que Google a déréférencé le site AlloStreaming (16). De nombreux acteurs s’aménagent la possibilité, dans leurs conditions générales d’utilisation (CGU), de couper les liens avec des sites illicites. Verisign, le registre central pour les noms de domaine « .com », a proposé une modification dans ses CGU qui permettrait à la société de suspendre un nom de domaine impliqué dans une activité illicite. Controversée, cette proposition de Verisign
a été retirée quelques semaines plus tard (17). En revanche, le registre britannique Nominet semble maintenir sa proposition de se doter de pouvoirs similaires. @

Sites pirates : moteurs de recherche, régies pub et systèmes de paiement appelés à la rescousse

Imaginez le moteur de recherche Google, la régie publicitaire Hi-Media et le système de paiement Paypal obligés, tout comme les fournisseurs d’accès à Internet (FAI), de boycotter les sites web de piratage sur Internet. C’est ce que les Etats-Unis pourraient imposer par la loi.

Si l’une des deux propositions de loi « anti-piratage » actuellement débattues aux
Etats-Unis devait être adoptée en 2012, la lutte contre les sites sur Internet favorisant
le téléchargement illégal et la contrefaçon serait élargie à tous les acteurs du Net.
Le premier texte appelé Protect Intellectual Property (IP) Act a été introduit devant la Chambre des représentants le 12 mai ; le second intitulé Stop Online Piracy Act a été déposé au Sénat le 26 octobre.

Haro sur les sites « dévoyés » à l’étranger
La portée d’une telle loi, si elle devait aboutir, concernerait l’ensemble du Web mondial car sont visés tous les sites situés à l’étranger et portant atteinte à l’économie de la création et à la propriété intellectuelle. Avec ces deux textes distincts, les parlementaires américains – qu’ils soient démocrates ou républicains – veulent en effet mettre au ban de la société de l’information les « sites web dévoyés » (rogue websites). Il s’agit d’obliger l’ensemble des différents « intermédiaires techniques » américains de l’Internet à « geler » toutes leurs relations commerciales ou liens (contractuels ou via des hypertextes) avec les sites web étrangers « délinquants » qui seraient jugés coupables de violations systématiques des droits d’auteur ou de contrefaçon. Ainsi, le Protect IP Act (1) et le Stop Online Piracy Act (2) veulent donner aux juges américains le pouvoir d’identifier et d’envoyer des mises en demeure ou des injonctions obligeant non seulement les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) mais aussi les gestionnaires
de noms de domaine (DNS), les fournisseurs de solutions de paiement en ligne, les établissements bancaires, les régies de publicités online et toutes les sociétés de référencement d’informations sur le Web – dont les moteurs de recherche, les sites d’indexation, les répertoires en lignes (mentionnant liens hypertextes ou adresses
de sites) – de ne plus faire état du site pirate et de cesser toute activité avec lui. Ce boycotte électronique permettrait, selon les parlementaires américains, d’éradiquer
le téléchargement illicite, les violations au copyright et la contrefaçon. Si le procureur général (attorney general) prononçait une telle décision, un boycott en chaîne se mettrait en place aux Etats-Unis contre les sites web incriminés. Par exemple : le leader du micropaiement Paypal et le géant des cartes bancaires Visa devront bloquer les paiements vers ce site ; les moteurs de recherche Google et Yahoo devront le dé-référencer ; les agences de publicité Microsoft Advertising et Hi-Media auront obligation de cesser d’y placer des annonces publicitaires ; les FAI comme Orange et Free devront mettre à jour leurs serveurs DNS pour rediriger les internautes et les mobinautes cherchant ce site en infraction vers une page leur indiquant la mesure d’interdiction prononcée à son encontre. Le juge veillera cependant à ce que soient dans le collimateur les sites web dont l’activité principale est le piratage comme Newzbin en Grande-Bretagne (lire l’article juridique de Winston Maxwell p .8 et 9) mais non pas les autres sites étrangers qui pourraient se retrouver par exemple avec des vidéos contrefaites comme Dailymotion en France. Quelles sont les chances pour ces deux propositions de loi d’être adoptées et promulguées aux Etats-Unis ? « La proposition de loi “Stop Online Piracy Act” va encore plus loin que celle du “Protect IP Act”, et pose plus de problèmes au regard du Premier amendement de la Constitution américaine sur la liberté d’expression et de la presse. Le “Protect IP Act” semble plus équilibré. De toute façon, Barack Obama reste prudent par rapport à une loi “anti-piratage”, laquelle ne devrait pas être adoptée avant les élections présidentielles, prévues aux Etats-Unis le 6 novembre 2012 », explique Winston Maxwell, avocat,
à Edition Multimédi@.
Les deux textes en discussion risquent en outre de heurter le principe de la Net Neutrality et pourraient contrarier la volonté de l’administration Obama de garantir à l’international un Internet ouvert. Washington serait plus enclin à favoriser des accords avec les FAI sur la base du volontariat, plutôt que de légiférer de manière radicale comme le proposent les Protect IP Act et Stop Online Piracy Act.

La prudence de la Maison Blanche
Le 7 juillet 2011, Victoria Espinel, responsable pour
la propriété intellectuelle au sein du gouvernement étatsunien, a clairement souligné
– sur le blog de la Maison Blanche (3) – que l’accord « anti-piratage » conclu le jour
même entre les FAI et les ayants droits de la musique et du cinéma (4) était conforme
à « notre stratégie d’encourager les efforts volontaires ». Ce Memorandum of Understanding (MoU) ressemble à une « réponse graduée » mais sans volet pénal,
une sorte de « version privée de l’Hadopi » (5) selon propre termes de Winston Maxwell. Reste à savoir qui de l’auto-régulation ou de la législation l’emportera en 2012. @

Charles de Laubier

La bataille entre “jardins clos” et “mondes ouverts”

En fait. Les 16 et 17 novembre, à Montpellier, a eu lieu le 33e DigiWorld Summit
de l’Idate sur le thème interrogatif : « Les terminaux seront-ils les rois ? »
(Will the device be king?). Les foyers multiplient les écrans connectés
(ordinateur, smartphone, console, téléviseur, …) et les usages multimédias.

En clair. C’est le consommateur qui est « roi » ! Mais en multipliant ses équipements connectés et en exigeant plus de contenus, il a déclenché sans le savoir – surtout
en France où le triple play ADSL est dominant – une guerre de tranchée entre deux écosystèmes. D’un côté, les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) qui opèrent des réseaux dits « managés » comme l’IPTV (1) via une « box », et, de l’autre, les fournisseurs de services et de contenus qui proposent leurs offres vidéo dans un environnement ouvert sur Internet sans être opérateur télécoms. Ces derniers, appelés OTT, pour Over- The-Top, sont en général de nouveaux entrants venant du Web, des terminaux interactifs ou encore de la VOD. Mais, à Montpellier, les FAI de l’IPTV ou les câblo-opérateurs ont tenté de défendre leur position face à la pression qu’exerce un peu plus la TV connectée sur leur « walled garden ». « La moitié des foyers français ont déjà la TV connectée puisqu’ils sont 11 millions à être équipés d’une box qui leur offre une qualité de service », a expliqué Jérémie Manigne, vice-président chez SFR. Le marché français est donc à ses yeux « spécifique » avec ses boxes « subventionnées » par les FAI et ses offres audiovisuelles variées (TV, catch up TV, VOD, SVOD, …). Il ne veut
pas pour autant être fermé aux OTT. « Entre FAI locaux et acteurs plus globaux, nous sommes pour la “coopétition” comme nous le faisons avec Picasa [Google, ndlr], Dailymotion ou d’autres », a poursuivi Jérémie Manigne, tout en craignant une « distorsion de concurrence réglementaire et fiscal » avec les OTT implantés ailleurs. Intervenant à ses côtés, Terry Denson, vice-président chez Verizon, a lui aussi défendu le modèle de l’IPTV comme étant « le cœur de la consommation multi-service et multi-plateforme », ainsi que la coopétition. « C’est le combat de l’intelligence des réseaux qu’il nous faut mener pour ne pas être réduits à un dump pipe [réseau passif, ndlr]. Cela passe par
une stratégie offensive sur le marché de l’OTT, quitte à nouer des accords de partenariat avec d’anciens concurrents ! », a-t-il dit.
Quant à Alun Webber, directeur général chez BSkyB, il est allé plus loin en vantant les mérites de « la box hybride IP qui permet d’offrir au client davantage de choix OTT ».
Mais à trop vouloir ouvrir la box, n’est-ce pas pour les FAI prendre le risque d’ouvrir
« la boîte de Pandore » (2) ? @

Pascal Rialland, Virgin Mobile : « L’inflation de taxes pour financer la création est inquiétante »

Le DG de Virgin Mobile, premier opérateur mobile virtuel (MVNO) en France, explique à Edition Multimédi@ ce que sera son offre quadruple play et media center prévue pour début 2012. Il se dit aussi plus préoccupé par les industries culturelles que par l’arrivée de Free Mobile.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : Virgin Mobile est le premier MVNO en France, avec plus de 2 millions d’abonnés. Les MVNO, qui ont franchi les 10 % du total des mobiles, peuvent-ils encore croître face à Free Mobile ?
Pascal Rialland :
Les 67 millions de lignes mobiles sont encore majoritairement détenues par les opérateurs Orange et SFR. Pourtant, les consommateurs sont de plus en plus nombreux à souscrire à des offres alternatives et notamment à celles des marques du groupe Omea Telecom (Virgin Mobile, Breizh Mobile, Tele2 et Casino Mobile). La croissance de notre activité se fait sur un marché certes stable, mais où les consommateurs de plus en plus experts sont sensibles à la concurrence et recherchent les meilleures offres au meilleur prix. Nos offres sont idéalement positionnées dans le contexte actuel. Quant à l’arrivée d’un quatrième opérateur, elle est un événement avant tout médiatique. Cette année a vu plusieurs lancements : La Poste Mobile, Sosh, B&You, Darty Mobile, offres innovantes sur le Web, … Je ne pense donc pas que l’arrivée d’un nouvel acteur puisse changer radicalement la dynamique du marché. Le succès de Virgin Mobile est en grande partie dû à notre capacité à offrir un service de grande qualité, en nous appuyant sur un coeur de réseau propre (Full-MVNO) et sur les antennes radio de nos partenaires (Orange et SFR).

EM@: Etre Full-MVNO et en dégroupage total ADSL avec SFR, vous permet-il de concurrencer pleinement SFR, y compris en 4G ?
P. R. :
Nous avons la conviction, que notre modèle de Full-MVNO est pertinent dans la durée et – avec bientôt quatre opérateurs ayant acquis des licences et déployant, souvent avec une difficulté croissante, leur réseau – a un bel avenir devant lui. Nous entendons bien rester le leader en ce domaine. SFR est certes un concurrent formidable mais également un partenaire de très grande qualité. Je pense d’ailleurs que nous sommes également vus par SFR et par Orange comme un partenaire qui apporte de belles opportunités de croissance. Le marché des télécoms devient mature et la vision manichéenne des relations entre les acteurs est dépassée. Le temps de la “coopétition”est maintenant là.

« Le sujet de fond, face au développement croissant de ce type d’usage, porte sur la question de l’obtention des droits de diffusion multicanaux. »

EM@ : Comptez-vous lancer avant Noël votre offre quadruple play pour profiter des fortes ventes de fin d’année ? Ne craignez-vous pas que le multi-play ne rigidifie le marché en incitant l’abonné à mettre tous ses oeufs dans le même panier ?
P. R. :
La fin de l’année 2011 restera très orientée « mobile » chez Virgin avec le lancement d’innovations tarifaires majeures, pour les petits utilisateurs ou les consommateurs à la recherche du meilleur rapport qualité-prix. Notre offre « 4P » sera disponible en début d’année prochaine. Elle est avant tout destinée à nos clients mobiles qui recherchent une solution simple et économique pour leurs besoins télécoms fixe, Internet et IPTV. En aucun cas elle ne représente un moyen de « bloquer le client » : cette offre sera sans engagement et pourra être couplée à des offres mobiles, elles aussi sans engagement. Nous voulons que nos clients restent chez Virgin Mobile parce qu’ils sont satisfaits et non pas parce qu’ils n’ont pas le choix !

EM@ : Début juin, Virgin Mobile a annoncé avoir signé avec Netgem la fourniture d’un décodeur IPTV dans le cadre son offre quadruple play. Quel regard portez-vous sur le marché IPTV français, l’évolution des usages, la concurrence entre FAI et TV connectée ?
P. R. :
Notre ambition est de proposer à nos clients la générosité de nos offres mobiles combinées à une offre triple play Virgin box, très riche. Ainsi, l’offre IPTV comportera dès le lancement plus de 250 chaînes TV. Un soin tout particulier est porté à la qualité des programmes et bouquets TV proposés pour satisfaire pleinement tous les membres de la famille. Le décodeur IPTV fourni par Netgem constitue également un « media center » permettant de fédérer et de profiter de l’ensemble des contenus audiovisuels du foyer. Même si les pratiques de consommation TV et vidéo sont en évolution rapide, l’usage des téléviseurs de plus en plus grands associé à une télécommande au fond de son canapé restent très prédominant. La Virgin box répondra pleinement à cette clientèle exigeante. L’arrivée de la TV connectée en Europe est annoncée mais reste embryonnaire pour le moment. Le sujet de fond, face au développement croissant de ce type d’usage, porte sur la question de l’obtention des droits de diffusion multicanaux. Car la qualité des contenus vidéo offerte au public est déterminante. Dans cette course à l’agrégation de contenus, la seule technologie est insuffisante pour convaincre un public exigeant. Nous sommes sûrs que le succès réside dans la relation de confiance entre l’utilisateur et l’opérateur de services.

EM@ : Le Sénat va examiner le projet de loi de finances 2012 dans lequel les députés ont adopté en octobre l’amendement « Taxe sur les services de télévision » (TST) qui augmente la contribution des FAI au Cosip. En tant que MVNO, le contestez-vous ?
P. R. :
Comme les autres opérateurs fixes et maintenant mobiles, nous serons effectivement soumis à la taxe dite TST. Et ce, sur l’ensemble de notre activité (MVNO traditionnel, Full-MVNO et bien sûr FAI). L’objectif affiché d’éviter le contournement fiscal est peut-être louable mais nous regrettons que la mesure se traduise par une taxe dont l’assiette n’est pas suffisamment précisée : le rendement prévisionnel de la taxe pour les opérateurs pourrait dépasser les 300 millions d’euros, ce qui va très au-delà des 190 millions attendus par le gouvernement et présentés au Parlement. Cette taxe vient frapper les opérateurs mobiles déjà soumis à la très forte pression fiscale pèsant sur le secteur. Dans ce contexte, comme membre de la Fédération française des télécoms (FFT), nous contestons l’idée d’une TST dont l’excédent, au-delà de la part nécessaire pour le financement des actions du CNC, servirait à abonder le budget de l’Etat, ce qui reviendrait à ajouter un nouveau prélèvement sur l’accès à Internet fixe et mobile. Et cette taxe impacte fortement les MVNO dont la solidité financière n’est pas celle des opérateurs historiques fixes et mobiles du fait de leur jeune âge et qui, par ailleurs, ne tirent que très marginalement profit de leur activité de distributeurs de services de télévision, nos clients étant très soucieux de maîtriser leur budget. Cette nouvelle mesure est de nature à affecter leur capacité à investir et à innover.

EM@ : Les industries culturelles veulent accroître la contribution des FAI au financement de la création : après le cinéma (CNC), la musique (CNM) et le livre (CNL), sans oublier la taxe copie privée sur les « box » et smartphones. Est-ce légitime ?
P. R. :
Nous constatons effectivement la multiplication des taxes visant les opérateurs télécoms afin de financer l’industrie culturelle. Cette inflation est inquiétante car elle fait largement reposer sur les opérateurs télécoms français le soutien à la création, alors que d’autres acteurs de la chaîne de valeur et fournisseurs de services, notamment internationaux, en sont totalement ou partiellement exonérés.

EM@ : Les industries culturelles veulent aussi que l’Hadopi bloque des sites
de piratage d’œuvres : acceptez-vous de coopérer au filtrage (Deep Packet Inspection) ?
P. R. :
En ce qui concerne la lutte contre le piratage, nous avons pour objectif d’y participer activement et de bonne foi. Pour ce faire, nous appliquerons dans la limite de nos possibilités techniques, le cas échéant via les fonctionnalités de DPI, les mesures qui auront été définies et agréées entre les différents intervenants et notamment la FFT. @

Pour le livre, le dossier “Hadopi” est mis de côté

En fait. Le 8 novembre, Christine de Mazières, déléguée générale du Syndicat national de l’édition (SNE), nous a indiqué que le projet de déposer un dossier « Hadopi » auprès de la Cnil pour une « réponse graduée » contre le piratage de livres numériques n’était plus une priorité pour l’instant.

En clair. Après avoir auditionné les trois prestataires techniques que sont Trident Media Guard (TMG), Attributor (société américaine) et Hologram Industries (ex-Advestigo),
le Syndicat national de l’édition (SNE) n’a finalement rien décidé. « Nous avons mis le dossier “Hadopi” de côté car la question du piratage de livres numériques en France ne se pose pas vraiment encore. Le marché du livre numérique online, c’està- dire hors ouvrages sur CD-Rom, ne représente encore pas grand-chose – environ 1 % – sur le marché français », explique Christine de Mazières, déléguée générale du SNE, à Edition Multimédi@, lors des 3e Assises professionnelles du livre. C’est en janvier dernier que nous avions révélé l’intérêt de la filière du livre pour la « réponse graduée » de l’Hadopi (1) et se son projet de déposer un dossier de demande d’autorisation auprès de la Cnil pour pouvoir relever les adresses IP des internautes soupçonnés de piratage d’ebooks. En mars dernier, l’Observatoire du livre et de l’écrit en Ile-de-France (Motif) a publié son étude « EbookZ 2 » qui montrait que le piratage était encore marginal. « Pour les éditeurs, ce n’est pas la priorité du moment. Développer leur présence sur les liseuses et tablettes qui arrivent sur le marché français les occupent plus actuellement », ajoute Christine de Mazières.
Le développement d’offres légales (voir ci-dessus) est la priorité. Mais le SNE
continue d’explorer les solutions techniques en vue de mettre en place une « procédure automatisée de notification et retrait des contenus illicites », dès lors que l’éditeur est capable d’identifier techniquement l’hébergeur du site web pirate. En attendant, le syndicat présidé par Antoine Gallimard incite les maisons d’éditions à communiquer
les adresses de sites proposant des téléchargements illégaux. Et ce, afin de constituer une « liste [qui] permettra par recoupement d’identifier les sites et réseaux les plus actifs dans le domaine du piratage de livres », peut-on lire dans le rapport d’activité 2010-2011 du SNE publié le 30 juin dernier lors de l’assemblée générale (2). Une adresse mail – juridique@sne.fr – a été créée à cet effet, le SNE proposant en plus à ses membres une procédure et des courriers types. Mais, Christine de Mazières nous indique que ce point de signalement enregistre « très peu de remontées ». @