Jean-Marc Tassetto, Google : « La taxe sur la publicité en ligne va freiner la croissance des PME »

DG de Google France, Jean-Marc Tassetto fustige la « taxe Google », explique sa surprise d’être encore accusé de contrefaçon par des éditeurs, assure que Google TV et Google Music respecteront les ayants droits, et précise la portée de l’Institut européen de la Culture. Il évoque aussi Panda et Google Wallet…

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : Google France a profité du Festival de Cannes pour lancer Media Ads. Quand Media Ads sera proposé à d’autres annonceurs que les producteurs de films ?
Jean-Marc Tassetto :
Le Festival de Cannes constituait
en effet une bonne opportunité pour présenter ce nouveau format publicitaire auprès des producteurs et des distributeurs de films en France. Cinq nouveaux films ont ainsi utilisé Media Ads pour leur promotion (1). Ce format permet de mettre en avant leur contenu au moyen de bandes-annonces ou d’extraits de films diffusés en haute définition lorsqu’un internaute clique sur l’annonce. Il s’agit actuellement d’un test bêta pour les annonceurs du cinéma. Lorsqu’un internaute effectuera une recherche liée à un film promu avec Media Ads, il trouvera une vidéo qu’il pourra lire sans quitter pour autant sa page de résultats. Nous attendons de voir les performances du format en France pour envisager de le proposer à d’autres annonceurs pour lesquels le format serait également pertinent. L’idée est clairement d’élargir la palette des outils publicitaires en ligne que Google propose aux différents annonceurs, mais aussi d’enrichir les réponses aux requêtes des utilisateurs. Notre souci constant est d’améliorer et d’innover sur nos formats publicitaires.

EM@ : Craignez-vous la « taxe Google » applicable au 1er juillet si elle n’est pas reportée (2) ?
J-M. T. :
Je tiens à rappeler Google n’est pas Internet à lui seul. Cette dénomination « taxe Google » relève plus de la posture médiatique, car cette taxe concerne tous les acteurs d’Internet en France. Nous partageons les inquiétudes des annonceurs et des associations. Elle va porter tout simplement atteinte aux investissements numériques en France, notamment ceux réalisés par les petites entreprises qui n’ont pas les moyens de se payer des campagnes publicitaires dans les médias classiques. Cette taxe représente au final un frein à la croissance de l’économie numérique française. Préserver les PME et leur usage du numérique, c’est préserver l’emploi.

EM@ : Quand le nouvel algorithme « Panda », déployé sur les sites anglais de Google, sera-t-il opérationnel en France et dans quel but ?
J-M. T. :
Concernant la France, nous n’avons pas de calendrier précis. Le but est simple : fournir aux utilisateurs les réponses les plus pertinentes et les sites de qualité par rapport à leurs recherches.

EM@ : Alors que Google France avait fait appel contre le jugement de décembre 2009 en faveur de La Martinière, du SNE et du SGDL, c’est au tour de Gallimard, Flammarion et Albin Michel d’assigner la filiale française pour contrefaçon. Pourquoi êtes-vous surpris ?
J-M. T. :
Nous sommes surpris de recevoir cette nouvelle assignation que nous examinons actuellement. Elle surgit alors même que nous travaillons déjà depuis un certain temps avec les éditeurs français pour trouver des moyens d’augmenter les audiences et les sources de revenus pour eux, les auteurs et les libraires. Ceci étant dit, Google reste déterminé à travailler avec les industries culturelles dans l’intérêt de chacun et à travers des partenariats fondés sur des solutions en ligne pertinentes. Nous demeurons en tout état de cause convaincus de la légalité de Google Livres et de sa conformité avec les lois françaises et internationales en matière de droits d’auteur. C’est d’ailleurs dans cette optique que nous avons fait appel du jugement La Martinière/SNE. Nous sommes en attente du jugement d’appel, tout en restant ouvert à toutes discussions avec les éditeurs, afin de rendre leurs œuvres accessibles aux internautes en France, comme à l’étranger.

EM@ : Le protocole d’accord de novembre 2010 avec Hachette Livre est-il duplicable en France ?
J-M. T. :
L’accord avec Hachette Livre montre justement qu’un dialogue constructif et profitable à toutes les parties prenantes est possible. Pour mémoire, je vous rappelle
qu’il s’agit de redonner vie à des milliers de livres indisponibles à la vente et plus édités. Les livres épuisés sous droits représentent 75 % de l’ensemble des œuvres dans le monde. Il nous faut encore finaliser quelques détails (3).

EM@ : Google va-t-il aller en cassation suite à l’arrêt donnant raison à Copie-presse?
J-M. T. :
Nous sommes en désaccord avec cette décision de justice que nous examinons afin de déterminer la suite de notre action. Google News respecte totalement les droits d’auteur. Référencer l’information avec des titres et des liens directs vers les sources, est non seulement légal mais encourage aussi les internautes à lire la presse en ligne. Nous sommes déjà impliqués avec certains éditeurs pour trouver des moyens nouveaux de monétiser ces contenus.

EM@ : Google vient de renoncer à archiver les journaux : l’Europe est-elle concernée ?
J-M. T. :
News Archives est effectivement supprimé dans le monde entier. Les anciennes archives resteront toutefois en ligne et nous travaillons étroitement avec des partenaires presse sur d’autres initiatives.

EM@ : En Europe, Google a reporté à 2012 Google TV pourtant lancé à l’automne dernier aux Etats-Unis. Le 10 mai, Google a lancé aux Etats-Unis la bêta de Google Music. Comme pour Google TV, ce « cloud » musical tardera- t-il à arriver en Europe, en France ?
J-M. T. :
Il n’existe pas encore de calendrier précis pour l’arrivée du service Google TV
en Europe. Celui-ci est encore en phase de test aux Etats-Unis pour améliorer un certain nombre de paramètres techniques et d’interface utilisateur. La télévision connectée est un marché qui est appelé à se développer rapidement et nous entendons fournir une plateforme efficace qui permette au téléspectateur d’accéder à des contenus vidéo diffusés sur Internet, des services de vidéo à la demande et de rattrapage en plus des chaînes classiques. Google TV n’est pas une chaîne en soi mais une plateforme ouverte, construite à partir du système d’exploitation Android et utilisant le navigateur Chrome. Pour l’ensemble de l’écosystème télévisuel, il s’agit là d’une véritable opportunité. Les éditeurs de contenus pourront ainsi valoriser des catalogues via Internet et élargir le champ des choix pour les téléspectateurs. A l’instar de Google TV, le service « Music Beta by Google » est pour l’instant uniquement disponible aux Etats-Unis et sur invitation. L’idée consiste à capitaliser sur les avantages du cloud computing, la fameuse informatique dans le nuage, pour permettre à un utilisateur de télécharger et de stocker ses morceaux de musique préférés dans un espace « cloud » qui lui est dédié via son compte Gmail. Cela lui permet ainsi de pouvoir écouter sa musique à tout moment et quel que soit le terminal. En revanche, il est évident que Google TV et Google Music, la mise à disposition de ces différents contenus s’effectuera dans le respect des ayants droits avec nos partenaires respectifs.

EM@ : Google France va doubler ses effectifs, à 500 employés en dix-huit mois. Tous seront regroupés rue de Londres fin 2011. En plus d’un centre de R&D, Google y crée un Institut culturel sans précédent : pourquoi ?
J-M. T. :
La France est l’un des cinq pays les plus importants pour Google dans le monde. Le vaste plan d’investissement dans l’Hexagone annoncé en septembre 2010 par Eric Schmidt, président exécutif de Google, s’est traduit par l’acquisition récente d’un vaste immeuble de plus de 10.000 mètres carrés au cœur de Paris où nos équipes France et Europe du Sud/Moyen-Orient/Afrique seront hébergées d’ici fin 2011. Dans ces mêmes locaux, nous ouvrirons également un Institut européen de la Culture, ainsi qu’un centre de recherche et développement (R&D). C’est unique en Europe et cela traduit la volonté que Google a de montrer son ancrage en France. Nous allons recruter une centaine d’ingénieurs dans les mois qui viennent (4). Les thèmes qui y seront développés sont en cours de finalisation et nous devrions les présenter sous peu. Quant à l’Institut européen de la Culture, il s’inscrira avant tout dans une logique de partenariat avec le monde de la culture et des arts. Notre mission, c’est la défense du patrimoine par la numérisation, par l’indexation et par la diffusion au plus grand nombre. De nombreuses thématiques pourront être définies à partir de cela, comme des projets de numérisation de type Google Art Project ou bien d’autres choses encore. Enfin, outre ces ouvertures, nos investissements comprennent également le financement de bourses universitaires et de recherche, le soutien d’entrepreneurs dans les nouvelles technologies et des développeurs français (5).

EM@ : Alors qu’Android devrait équiper la moitié (49,2 % selon Gartner) des smartphones en 2012, le portefeuille mobile sans contact « Google Wallet » est testé aux Etats- Unis… A quand “Google Portefeuille“ en France ?
J-M. T. :
Pour l’instant, il s’agit d’un test terrain mené uniquement cet été à New York
et San Francisco avec une quarantaine d’enseignes commerciales comme Subway, Macy’s, Toy’R US, etc. Android connaît effectivement un véritable engouement autant auprès des constructeurs de terminaux que des utilisateurs. Quelques chiffres récents suffisent pour s’en convaincre. En 2011, Android a ainsi passé le cap des 100 millions de smartphones Android activés dans le monde (6). Chaque jour, on compte en moyenne 350.000 nouvelles activations.
Android compte à ce jour plus de 200.000 applications et enregistre au total plus de
4,5 milliards de téléchargements. De plus en plus, les possesseurs de terminaux
mobiles sous Android effectuent des recherches sur Internet. Ce qui représente
autant d’opportunités de croissance pour les revenus publicitaires.

EM@ : Les ordinateurs sous Chrome OS seront-ils proposés en France dès juin ? J-M. T. : Les ordinateurs sous Chrome OS seront effectivement disponibles à la vente dès la mi-juin dans 7 pays dont la France. Ces ordinateurs reposent intégralement sur
le concept de cloud computing. @