La licence globale s’invite parmi les thèmes de la campagne présidentielle 2012

A droite comme à gauche, certains politiques appellent à l’instauration d’une licence globale, qui permettrait, selon eux, de rendre accessibles les oeuvres culturelles à tous les internautes en échange d’une rémunération forfaitaire pour les auteurs. Un débat ancien.

« L’accessibilité aux œuvres culturelles partout sur le territoire à l’heure d’Internet passe par la licence globale, en échange évidemment d’une juste rémunération pour les auteurs. Hadopi et le cadre de DAVDSI seront conservés pour lutter contre les abus ». Le propos est d’autant plus surprenant qu’il vient de Dominique de Villepin, candidat à l’élection présidentielle de 2012, dans son projet présenté le 14 avril dernier.

Au-delà des clivages politiques
« La culture doit être un bien public accessible à tous les citoyens grâce à un service public de la culture », ajoute l’ancien Premier ministre, président de son mouvement politique République solidaire. Quant un homme politique de droite rejoint l’idée souvent exprimée à gauche d’une licence globale, c’est que ce modèle de contribution des internautes et/ou des fournisseurs d’accès à Internet (FAI) est loin d’être définitivement enterré. D’autant que la dernière fois que la licence globale a fait l’objet d’une énième initiative législative il y a un an presque jour pour jour, mais toujours sans résultat, ce fut par un député UMP et non PS. En effet le 29 avril 2010, Michel Zumkeller avait déposé
à l’Assemblée nationale une proposition de loi pour « la création d’une licence globale
à palier, visant à financer les droits d’auteurs dans le cadre d’échanges de contenus audiovisuels sur Internet ». Montant moyen pour l’internaute : 5 euros par mois. Le député du Territoire de Belfort prévoyait d’ajouter un article dans le code de la propriété intellectuelle stipulant qu’« une licence globale à paliers est versée par les titulaires d’un accès Internet » et que « le montant de cette cotisation, perçue par les FAI, varie par palier de 0 euro mensuel pour une personne ne téléchargeant pas, à un montant de
10 euros pour une personne téléchargeant beaucoup ».Mais la commission des Affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale a rapidement enterré ce texte.
Si le Parti socialiste ne met pas explicitement (pour l’instant ?) la licence globale dans son programme politique, il ne cache pas son hostilité envers la « réponse graduée » : « Il sera de notre responsabilité d’inventer les nouveaux modèles démocratiques de l’économie de la culture et de l’information qui ne passent ni par Hadopi, ni par l’ingérence du politique dans l’audiovisuel public ». Et d’ajouter : « A rebours des politiques répressives et régressives conduites par la droite depuis dix ans, il nous
faut conclure un nouveau pacte de confiance avec les internautes ». Dans « chat »
sur lemonde.fr le 13 avril, le député PS Christian Paul a tenu à préciser que la licence globale pouvait cohabiter avec d’autres modèles économiques. « La question des contreparties à trouver pour les échanges hors marché est une toute autre chose.
Là, des formes de rémunération mutualisées doivent être sérieusement envisagées.
On aurait dû le faire beaucoup plus tôt : la création culturelle est passée à côté de financements considérables, qui peuvent provenir des opérateurs et des internautes.
Il faudra donc, le moment venu, engager une grande négociation sur cette question, associant les artistes, les industriels et les internautes ». C’est également la conviction de l’association de consommateurs UFC-Que Choisir, dont le président Alain Bazot avait déclaré dans une interview à Edition Multimédi@ que « la licence globale est une révolution inévitable à long terme. (…) La licence globale (ou contribution créative) est une révolution nécessaire. Elle n’est qu’une évolution normale de la contribution pour copie privée, puisqu’on passe progressivement d’une logique de stockage (téléchargement) à une logique de flux (streaming) » (1). Le débat sur la licence globale pourrait donc réapparaître en bonne place lors de la campagne de 2012. Mais il reste encore au PS à formaliser son approche en la matière. Nicolas Sarkozy, l’actuel chef
de l’Etat, y est hostile. Elle a d’ailleurs été écartée avant l’adoption de la loi Hadopi en 2009 et par le rapport Zelnik en début d’année 2010.

Attali n’a pas convaincu Sarkozy
Mais la Commission pour la libération de la croissance – présidée par Jacques Attali et réactivée l’an dernier par le président de la République – a rendu le 15 octobre dernier son second rapport intitulé « Une ambition pour dix ans ». Il relève que plusieurs propositions émises dans son premier rapport de 2008 sont restées « inappliquées », dont la « contribution des fournisseurs d’accès ». Il s’agissait de « faire verser par les fournisseurs d’accès Internet une contribution aux ayants droits auprès des différentes sociétés de gestion collective des droits d’auteur, sous la forme d’une rémunération assise sur le volume global d’échanges de fichiers vidéo ou musicaux » (2). Rappelons que Jacques Attali qualifiait la loi Hadopi de « loi scandaleuse et ridicule » (mars 2009)
et déclarait « On a une guerre de retard » (août 2009). @